Dès le ler janvier, le centriste Olivier Curty présidera le Conseil d’Etat fribourgeois pour la première fois.
Hériter de la présidence du Conseil d’Etat en pleine pandémie, n’est-ce pas un cadeau empoisonné?
Olivier Curty: Une présidence par beau temps, c’est magnifique. Une présidence durant des temps un peu plus compliqués, c’est exigeant, mais il y a aussi une certaine beauté, car le canton a d’autant plus besoin d’une présidence forte. Nous aurions tellement aimé laisser la pandémie derrière nous, mais cela ne va pas se faire. C’est la seule certitude que nous avons. Nous allons faire avec, comme ces vingt-deux derniers mois. Nous sommes prêts à l’affronter avec le soutien de la population.
Les Fribourgeois peuvent-ils tout de même se réjouir de 2022?
Cette crise doit aussi constituer une opportunité. Il faut la saisir comme une énorme chance de se remettre en question sur notre manière d’aborder les problématiques ou de faire de la politique, et peut-être de penser l’impensable. La crise a mis en avant beaucoup de créativité, de la population comme du politique.
Au sein du Conseil d’Etat, vous êtes plutôt un homme de l’ombre. Avec la présidence, vous allez vous retrouver dans la lumière. Quel sera votre style comme président?
Je ne suis pas quelqu’un d’introverti, c’est juste ma manière de communiquer: j’aime donner les preuves de ma capacité par ce que je fais. C’est le style que j’applique depuis que je suis entré en politique. Je ne suis pas quelqu’un qui se met en avant. Mais, derrière, je travaille à fond, avec les gens. Malgré les restrictions sanitaires, ce sera un de mes objectifs d’être encore davantage à l’écoute de la population et de ses aspirations.
Avec désormais une verte et un UDC, le nouveau Conseil d’Etat sera plus coloré. Qu’est-ce que cela change?
Une large part du spectre politique est représentée. Je prends ça comme quelque chose d’extrêmement positif. Cela permet d’avoir toutes les opinions possibles pour la discussion au sein du Conseil d’Etat. Des projets encore plus mûrs pourront sans doute être présentés au Grand Conseil. Le petit bémol, c’est la représentation féminine.
Pourquoi avez-vous conservé la Direction de l’économie et de l’emploi?
C’était déjà mon premier choix il y a cinq ans et cela restait mon premier choix cette année aussi. J’ai investi énormément de temps et d’énergie dans ce département. J’aimerais poursuivre et finaliser les projets que j’ai entamés. C’est une direction qu’on sous-estime un peu. Au niveau des EPT (emplois équivalents plein-temps, ndlr), c’est la troisième direction la plus importante. Ensuite, il y a une grande variété de thématiques: vous traitez de l’énergie jusqu’au tourisme, en passant par la promotion économique.
Comment se porte l’économie fribourgeoise, malmenée par le Covid?
Notre économie montre une fois de plus sa solidité. Je tire mon chapeau à tous les entrepreneurs et les employés, qui ont fait preuve d’une capacité de résilience et d’adaptation extraordinaire. L’Etat a aussi aidé en injectant 650 millions de francs à fonds perdu (avec la part fédérale), auxquels s’ajoute un demimilliard de francs de crédits Covid. Les carnets de commandes sont bien remplis, les gens ont envie de consommer et la croissance est bonne. Je suis très confiant, même si quelques secteurs, comme la gastronomie, ont vraiment de la peine, sans que ce soit de leur faute.
Planifiez-vous de nouvelles mesures d’aides?
Nous sommes derrière notre économie. Le Conseil d’Etat a validé le principe d’une prolongation des aides pour les cas de rigueur pour les établissements concernés par les mesures sanitaires relatives à la cinquième vague. Mais à terme, la question sera de savoir quand arrêter ces aides financières. Il a été compliqué de les mettre en place. Maintenant, il faut trouver le bon moment pour en sortir, et c’est assez délicat. Si vous stoppez trop tôt les soutiens, tout ce que vous avez investi est nul, car des sociétés tombent en faillite et il y a des licenciements. Si vous continuez trop longtemps, vous empêchez des adaptations structurelles de l’économie et maintenez des sociétés artificiellement en vie, alors qu’elles ne seraient pas viables en temps normal.
En 2021, vous avez eu chaud avec le dossier Bluefactory. Le moment des constructions est-il enfin venu sur le site?
Les travaux ont commencé pour le premier bâtiment commercial, le Bâtiment B. Nous venons d’adjuger le bâtiment pour les chercheurs du Smart living lab. Les constructions ont débuté, et cela ne va plus s’arrêter. Le terrain est tellement grand que nous en avons pour plusieurs décennies. Nous allons être capables de développer un pôle de compétence autour du bâtiment du futur, un domaine dans lequel le canton de Fribourg est très fort. Mon objectif est que cela profite à nos entrepreneurs qui pourront y chercher les nouvelles idées, les nouveaux concepts pour construire encore mieux et de manière plus durable.
Les éoliennes vous donnent du fil à retordre. Comment entendez-vous relancer la machine dans le domaine énergétique?
Au niveau de l’assainissement des bâtiments et des installations de chauffage, le programme dédié qui vient de se terminer a fonctionné du tonnerre, et les aides supplémentaires allouées grâce au plan de relance sont épuisées. Une réflexion est en cours pour voir si nous voulons le prolonger. Au niveau de la production d’énergie, nous réfléchissons aussi à la géothermie profonde ou à l’augmentation de l’hydraulique, avec notamment le projet Schiffenen-Morat. Et nous poussons à fond les réflexions au niveau de l’hydrogène. Pour les éoliennes, j’aimerais faire un restart. Il y a encore beaucoup d’études et de réflexions à faire. L’objectif est d’être capable de mener un débat sain en impliquant fortement les communes. Avez-vous pris une bonne résolution pour 2022? Crise oblige, le Conseil d’Etat était très dans l’opérationnel ces derniers mois. La résolution, c’est d’avoir plus de temps pour des questions stratégiques. Il faut retrouver un rythme de croisière, reprendre une certaine hauteur pour avoir une vision à long terme. Une autre résolution serait de trouver un peu de temps pour de la lecture pour m’enrichir. Je ne lis pas de romans mais plutôt des livres thématiques. Actuellement, j’ai sur ma table la biographie du danseur Rudolf Noureïev, un livre sur la fin de l’empire britannique et une étude proposant une approche économique sur les questions migratoires. »